– Tu veux que je te dise… Cook il a pas grimpé la Montagne, c’est un vantard. Il a pas grimpé la montagne comme il dit. Y a pas un homme capable de le faire ?
– Hey Bill, pour 2 cents ch’te la grimpe ta Montagne !
– Ch’ t’en donne 500 $ si tu réussis et si tu me prouves que Cook bluffe !
Ainsi est partie l’incroyable expédition constituée de 7 prospecteurs, qui ne connaissaient rien à l’alpinisme. C’était des Sourdough, comme on appelait à cette époque ces aventuriers venus chercher fortune dans les champs aurifères de l’Alaska et du Yukon. Des gars qui étaient passés au travers des affres de l’hiver du grand nord, avaient navigué sur le fleuve Yukon dans des coques de noix ou franchi la Chilcoot par l’escalier de glace. Des durs à cuire à qui le Mont McKinley ne faisait pas peur.
En plein cœur de l’hiver, mi-décembre 1909, 7 hommes quittèrent Fairbanks avec une mule, un traîneau à chiens et 5 chevaux. Arrivés au premier camp de base, fin février, un désaccord opposa les membres et 3 d’entre eux abandonnèrent l’expédition.
Un mois supplémentaire fut nécessaire à McGonagall, Anderson, LLyod et Taylor pour atteindre et organiser le dernier camp de base avant la montée au sommet. Le 8 avril, nos Sourdough se mettent en marche.
Difficile d’imaginer ces néophytes de l’alpinisme utilisant des crampons, hache et pioche de chercheurs d’or, et traînant un poteau de plus de 4 m de long, s’engager sur une voie abrupte, une arête de glace à plus de 4000 m d’altitude par – 30°C pour rejoindre le sommet du célèbre Mont McKinley. Deux d’entre eux y parvinrent et plantèrent le fameux poteau où sera hissé le drapeau – le troisième a abandonné en cours de route, victime du mal d’altitude. Le manque d’expérience, de cordage, un matériel archaïque, sans oxygène, des beignes et du chocolat font de leur ascension un exploit extraordinaire. Ils mirent 18 heures pour atteindre le sommet à plus de 5900 m. Un record inégalé à ce jour.
Bien entendu, ils ne touchèrent pas la prime car personne ne pouvait constater la réussite. Le poteau trônait sur le pic Nord caché par le pic sud qui est en fait le sommet dominant du Mont McKinley.
Il faudra attendre l’expédition de Hudson Stuck en juin 1913, pour voir le premier homme atteindre le sommet du Mont McKinley. Un amérindien du nom de Walter Harper. C’est lors de cette expédition que le fameux poteau fut aperçu sur le pic nord rendant crédible l’ascension des Sourdough et discréditant définitivement l’alpiniste Frederik Cook qui prétendait avoir gravi le Mont McKinley et avoir planté un drapeau. En fait, Cook avait gravi un sommet inférieur de 2000 m en 1906. Sa descente en un temps record avait jeté la suspicion sur ses affirmations.
Depuis 1897, le Mont McKinley tient son nom d’un sénateur de l’Ohio qui deviendra le 25ème président des États-Unis et sera assassiné en 1901. C’est un chercheur d’or venu explorer la région en 1896 qui suggéra ce baptême parce que McKinley, durant sa campagne, soutenait l’or comme étalon monétaire.
Les Russes, propriétaires de l’Alaska jusqu’en 1867, parlaient du Mont Bolshaya Gora (ville de République de Sakha) pour désigner cette immense montagne. Dans la région de la rivière Sustina, on le nommait Dghelay (La Grande Montagne). Pour les Amérindiens Athapascans, c’était Denali (Celui qui est haut). Imposant par sa masse, visible par temps clair à plusieurs centaines de kilomètres à la ronde, il est le plus haut sommet de l’Amérique du Nord mais il est également considéré par les Américains comme le Toit du Monde malgré une différence de 2700 m avec l’Everest. La base de l’Everest se situe sur le plateau tibétain à environ 5200 m d’altitude alors que celle du Denali se situe à environ 700 m d’altitude, d’où une élévation de plus de 5400 m contre une élévation de 3600 m pour Chomolungma.
En 1917 le parc national Denali est créé et englobe une partie du Mont McKinley. Dès 1980, le Mont fait partie intégrante du parc national d’une superficie de plus de 24500 km2. Ce parc regorge d’une faune abondante. On y trouve notamment nombre d’ours grizzly, ours noirs, caribous, chèvres de montagne, mouflons de Dall, des loups, des orignaux mais également une faune aviaire très riche en aigles, balbuzards, huards, cygnes, grues, lagopèdes etc.
De nombreux sentiers de randonnées permettent d’approcher et d’apprécier une nature unique et des points de vue à couper le souffle. À lui seul, le parc Denali est représentatif de la beauté sauvage et extraordinaire de toute l’Alaska (« La Grande Terre » en amérindien). Un voyage en Alaska est un voyage inoubliable. On est submergé par les paysages grandioses, les rivières tumultueuses, les langues glaciaires qui côtoient les routes ou avancent dans l’océan et dans un fracas assourdissant se brisent en Icebergs et s’éloignent parmi loutres et baleines. On fait halte dans les vieilles « roadhouse », derniers témoins de la ruée vers l’or et du passage des Sourdoughs, juste pour attraper un instant cette fièvre à l’origine du peuplement de l’Alaska par des aventuriers venus des quatre coins du monde pour une pépite.
Et puis, en Alaska, il y a le Denali qui veille sur le pays et qui à lui tout seul vaut le voyage.
L’Alaska offre des paysages somptueux, à couper le souffle ayant pour toile de fond sa Majesté qui vient de retrouver, en ce mois de septembre 2015, son nom d’origine amérindienne : le Mont Denali en l’honneur des Athapascans qui peuplent ses flans depuis toujours et pour répondre à leur revendication émise depuis 1975.
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